Opérations Forestières

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Le mot de la fin : Recrutement des travailleurs des Premières Nations

Existe-t-il un « mur de bois » dans le secteur forestier?

7 juin, 2021  par Jean-Michel Beaudoin & Marie-Ève Dufour



Nombreux sont les employeurs au Québec à se retrouver devant un véritable casse-tête : trouver de la main-d’œuvre qualifiée. Ce casse-tête, les employeurs du secteur forestier québécois le connaissent très bien. Déjà en 2018, le secteur avait comme défi de combler 15 000 emplois dans un horizon de cinq ans.

Le secteur minier a vite compris qu’une avenue prometteuse est de regarder du côté du bassin de la main-œuvre autochtone. La population autochtone croit plus rapidement et est plus jeune que la population non autochtone. Le Conseil des Ressources Humaines de l’industrie Minière (RHiM), préconisant une approche sectorielle, a d’ailleurs permis de développer de nouveaux outils tels le Guide des ressources humaines de l’industrie minière à l’intention des communautés autochtones. Le véritable déclencheur de cette proactivité a été la signature d’ententes sur les répercussions et les avantages (ERA) entre les entreprises minières et les communautés autochtones. L’ERA s’est avérée une politique incitative très utile pour amener les minières à développer de nouvelles pratiques de gestion des ressources humaines adaptées aux autochtones. Nos recherches montrent que le pourcentage d’employés autochtones explose littéralement dans les entreprises ayant signé une ERA. Alors, pourquoi de telles ententes n’existent pas dans le secteur forestier?  

La véritable question est plutôt de savoir s’il existe un « mur de bois » dans le secteur forestier, soit des obstacles majeurs au développement d’emplois pour les autochtones. Malheureusement, les travailleurs autochtones doivent encore faire face aux préjugés et à la discrimination. Ils sont perçus comme une solution à la rareté de main-d’œuvre, mais, dans les faits, les pratiques de gestion de la diversité autochtone en sont encore au stade de balbutiement dans le secteur forestier. Mettre en œuvre l’équivalent d’ERA pourrait donc être bénéfique, dans la mesure où elle amène les entreprises à contracter un engagement formel et les incite à investir dans le développement d’emplois destinés aux autochtones. 

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Il faut reconnaitre que plusieurs entreprises forestières sont fortement engagées à faire mieux, voire à jouer un rôle de chef de file dans ce domaine. D’ailleurs, les forestières qui travaillent en partenariat avec les communautés autochtones semblent avoir davantage de succès. Comparativement à l’ERA du secteur minier, toutefois, le partenariat du secteur forestier ne semble pas avoir encore la même portée et impact. Le débat est donc ouvert quant à l’approche la plus efficace pour faire changer les pratiques dans notre secteur : une approche sur une base volontaire ou obligatoire?

Par ailleurs, la taille de l’entreprise influence aussi la maturité des pratiques, la petite entreprise ne disposant pas des mêmes moyens financiers que les plus grandes. Autre constat intéressant, les entreprises autochtones emploient davantage de travailleurs autochtones, laissant penser qu’elles créent un environnement culturellement sécurisant favorable au recrutement, à l’intégration et à la rétention d’une main-d’œuvre autochtone. 

Concrètement, comment les forestières peuvent-elles se montrer créatives pour attirer des travailleurs autochtones? Une question d’autant plus importante dans le contexte d’une intense compétition avec d’autres secteurs d’activités comme les mines. Plusieurs entreprises ont eu recours à un agent de liaison, à des méthodes alternatives de formation et de développement des compétences (ex. : mentorat), ou encore à des moyens pour valoriser les cultures autochtones en milieu de travail (ex. : formation de sensibilisation). Le développement des travailleurs forestiers autochtones est complexe et dépasse la seule capacité d’intervention des entreprises. L’appui des gouvernements s’avère donc essentiel dans ces démarches.

Souhaitons que ces exemples et ce dynamisme portés par quelques entreprises pionnières soient contagieux, car le secteur forestier n’a pas les moyens de se priver de la richesse et de la diversité des cultures autochtones, pour combler leur besoin de main-d’œuvre oui, mais aussi pousser leurs organisations à la réflexion et les faire grandir. 

Pour en savoir davantage sur les outils d’accompagnements développés par Chaire de leadership en enseignement en foresterie autochtone (CLE), visitez : www.foresterieautochtone.ulaval.ca/publications. 


Jean-Michel Beaudoin professeur à la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l’Université Laval, Titulaire de la Chaire de leadership en enseignement en foresterie Autochtone

Marie-Ève Dufour professeure à Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval.


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